« Vers un nouvel horizon… », titrait, dans son édito du numéro de La frontière en chiffres de l’an dernier, René Nantua, président-directeur de notre groupe de presse Ecomedia, dans lequel se trouvent les magazines ECO Savoie Mont-Blancet L’Extension Diamant Alpin. Il parlait d’un projet de territoire élargi intégrant les dimensions à la fois économique, sociale et environnementale, dont le cœur serait le canton de Genève et la Haute-Savoie.
Sur le fond et l’existence d’un potentiel de développement commun, nous sommes en totale harmonie. Un nouvel horizon avec un élargissement régional s’impose aussi, mais il faut voir sous quels critères. Genève, Haute-Savoie, cœur de la région ? Je vois ça autrement. Les territoires d’action ne peuvent se limiter sur des frontières politiques.
Les régions sont à géométrie variable. Chacun comprendra que les thèmes forêts (gestion forestière et transformation industrielle en sciure) et de l’eau (plusieurs bassins dont le plus important est le rhodanien et tous ses affluents) ne soient pas traités sur les mêmes espaces que ceux de la santé, de la montagne, de la culture ou de la mobilité. Au sujet de cette dernière, doit tenir compte des déplacements, des personnes à titre privé ou professionnel, des besoins des milliers d’entreprises et des diverses livraisons en prenant en considération l’effet pollution qui fait des ravages notamment à Lausanne.
Genève et Annecy peuvent trouver un accord avec Vevey. Les interventions portées par la FEDRE pour son étude sur « l’effet-frontière » ont mis en évidence cette concentration géographique et thématique trop réduite.
Nous devons observer la mobilité du bassin lémanique élargi en prenant en compte l’ensemble des infrastructures et moyens de transports routiers, ferroviaires et aquatiques. La situation est suffisamment préoccupante pour retarder le meilleur usage. La circulation sur l’autoroute lémanique a atteint un niveau de surcharge et d’accidentalité jamais égalé ces dernières décennies. Des réflexions doivent être menées dès maintenant autour des plages horaires de travail différenciées et des horaires des livraisons de vitesse pour une meilleure fluidité, et réduire surtout les nuisances.
C’est difficile voire désagréable, mais incontournable.
Comment peut-on traîner les pieds au-delà ? Sur le plan ferroviaire, boucler le tour du lac (Évian-Saint-Gingolph) et corriger « l’oubli » du Pays de Gex (100.000 habitants) par le Léman Express, alors qu’il était prévu dans des projets plus anciens ? Combien de temps faut-il encore attendre pour disposer de bacs permettant des transports routiers lourds sur les différents axes pour enfin voir tout sur les lacs, sauf le Léman ? Voilà des évidences.
Il n’est point nécessaire d’être visionnaire pour le comprendre. L’internationalité de Genève donne toute la grandeur régionale, mais il y faut encore un projet collectif pour trouver la région, même si Jean-Jacques Rousseau n’est pas au cœur de celle-ci. La région contient des charmes au moins égaux et chacun conserve son importance. Genève, la Haute-Savoie et le Valais sont des pierres angulaires d’un puzzle régional exceptionnel, s’étendant des Jura aux Alpes à travers lacs, rivières, montagnes, exploitations agricoles et viticoles, villes et villages, centres culturels et de recherche, activités et filières de haute technologie, et mille richesses culturelles, historiques et sociales. Chaque pièce est déterminante pour l’ensemble du vivre ensemble.
Avec René Nantua, je le dis d’une seule voix : ce « Diamant alpin » avec son patrimoine naturel et ses paysages qui l’enrobent est unique !


LA RÉGION, NOTRE AVENIR
Genève a toujours tenu un rôle essentiel dans la politique étrangère de la Confédération. Siège de la Société des Nations puis de l’ONU, du CICR et de nombreuses autres organisations, la cité de Jean-Jacques Rousseau est surtout connue pour sa dimension internationale. Elle constitue un lieu privilégié où les hommes et les femmes du monde entier viennent construire la paix.
On connaît beaucoup moins la vocation régionale de Genève. Et pourtant, dans ce domaine également, ce canton suisse occupe une place déterminante. Comme le souligne très justement dans son livre le conseiller d’Etat Claude Haegi, la région franco-genevoise fait figure de pionnière dès le début du XIXe siècle, avec notamment la création de zones franches entre 1815 et 1816. Par la suite, Paris et Berne ont signé une vingtaine d’accords pour renforcer les liens entre Genève et la France voisine. Puis les deux capitales ont donné leur feu vert au Comité régional franco-genevois, qui gère, depuis 1974, toutes les questions de bon voisinage entre ces collectivités. Depuis lors, une trentaine d’autres accords ont vu le jour…
Autre livre

DIAMANT ALPIN GENEVE, LYON ET TURIN
Mars 1982, une délégation de maires américains débarquent en Europe pour visiter le Vieux-Continent. Ils sont à mille lieues de penser qu’ils vont être à l’origine de la naissance du Diamant Alpin, une région forte de douze millions d’habitants, située entre Turin, Lyon et Genève, chapeautée par le Mont-Blanc. La délégation américaine est quasiment happée au passage par les Lyonnais qui veulent faire connaître leur région au niveau international. Lyon demande alors à Turin et Genève de faire équipe avec elle, car l’union fait la force. Fin 1988, le Diamant Alpin est créé, une organisation transfrontalière pas comme les autres, qui a d’ailleurs été honorée, en juin 1994, par le président américain Bill Clinton.
Le Diamant Alpin englobe, en fait, trois régions européennes très dynamiques, le canton de Genève en Suisse, le Piémont en Italie et Rhône-Alpes en France. Ces trois régions ont une histoire commune que retrace cet ouvrage, mais elles ont surtout un avenir commun. C’est justement pour mieux cerner ce futur que le constructeur automobile italien Umberto Agnelli, l’industriel pharmaceutique français Alain Mérieux et le ministre genevois Claude Haegi ont réuni une quinzaine de personnalités et de spécialistes pour dresser l’inventaire des énormes potentialités socio-économiques et culturelles de cette région. Étonnant !
Sergio Pininfarina, Jean-Paul Carteron, Valentino Castellani, Alain Borner, Charles Millon, Jean-Claude Killy, Hugues Gall, Enzo Ghigo, Raymond Barre et d’autres décrivent avec conviction et enthousiasme cette région « où souffle l’esprit », comme l’écrit l’historien Paul Guichonnet.
Article dans l’Extension /Fedre/ Novembre 2020
« Même s’il sonne bien, le nom Diamant Alpin n’est pas né d’une étude marketing visant une promotion commerciale. C’est plus simple que ça. Nous étions six personnes venant de Lyon, Turin et Genève, réunies autour d’une table d’un bon bouchon lyonnais. À l’initiative de la Mairie de Lyon, qui proposa à Genève et Turin de s’associer à elle, nous nous préparions à recevoir ensemble de réputés urbanistes américains. Nous faisions donc l’inventaire de ce que nous possédions ensemble pour le faire découvrir à nos visiteurs d’outre-Atlantique. En listant les richesses de ce territoire, nous prenions conscience de son patrimoine unique au monde, non seulement au niveau de ses grands sommets. Ses autres atouts ont pour noms : culture, formation, tourisme, industrie, services, agriculture, santé, sport, infrastructures, villes de toutes tailles, campagnes, lacs et forêts.
D’où vient donc ce nom Diamant Alpin ? Sur la nappe en papier, l’un de nous tira en triangle 3 lignes droites rassemblant Genève, Lyon et Turin. Puis un autre demanda de pointer le Mont-Blanc, toit de l’Europe, au centre. Le crayon courut sur le papier pour rejoindre les 3 angles. D’une seule voix, on s’exclama « Un Diamant ! » Pour l’identifier, on ajouta naturellement « Alpin ». Nos visiteurs américains furent saisis par ce qu’ils découvrirent sur cet espace si diversifié et revinrent quelques années après visiter plusieurs de nos sites. Ces contacts et échanges se traduisirent, à notre étonnement, par une invitation à Washington pour y recevoir des mains d’un Ministre d’État une distinction mettant en honneur le Diamant Alpin.
Retenons de cet épisode que, d’une part, avec un peu de recul, l’horizon s’élargit et peut donner davantage envie d’y venir, et d’autre part qu’entre partenaires de cette région, sans entrer en autarcie, nous disposons d’un réel potentiel d’échanges de proximité touchant globalement l’économie, l’environnement, la vie sociale et l’emploi. C’est une chance à saisir.
La politique régionale est à géométrie variable. Pour être fonctionnelle, elle ne peut pas être seulement contenue par des frontières politiques. Le Conseil du Léman couvre un territoire intéressant même si toutes les parties qui le composent n’ont pas de semblables échanges. D’autres espaces qui n’appartiennent pas à ces cantons et départements pourraient, pour certaines questions, y être associés sous la forme la plus simple. Une chose est évidente : les acteurs publics et privés des 3 cantons de Genève, Vaud, Valais et des 2 départements de l’Ain et de la Haute-Savoie au moins, ont tout intérêt à réactualiser leurs ambitions régionales lémaniques et alpines, voire à en faire naître. Et pour quelques projets spécifiques, nous jouerons l’atout global du Diamant Alpin.
Claude Haegi
Président de la Fondation Européenne FEDRE
Programme Diamant Alpin
Ancien président du Conseil du Léman et du CRFG l’EXTENS »